Je suis né en 1967, au Cameroun. J’ai fait mes études à l’École Nationale Supérieure des Beaux Arts d’Abidjan en Côte d’Ivoire, à l’École Supérieure d’Arts de Grenoble puis à la Kunstakademie de Düsseldorf, en Allemagne.
Constatant la double impasse de ne pouvoir sauvegarder le patrimoine artistique classique et contemporain sur le continent africain d’une part, et d’y établir des projets culturels ambitieux d’autre part, j’ai décidé de créer “Bandjoun Station”, un projet artistique à but non-lucratif.
Car, au regard des multiples obstacles que rencontre l’Afrique et sa Diaspora, nous Africains ne pouvons nous offrir ‘le luxe’ de capituler, de geindre et d’attendre. Il est primordial que nous imaginions NOUS–MÊMES nos solutions dans tous les domaines (agricole, sanitaire, économique, social, culturel, politique, éducatif, sportif…). Ainsi, nos pays africains doivent se doter d’un grand nombre de structures vivantes et innovantes, afin de stimuler la création, l’envie de culture, pour en développer les pratiques et les faire fructifier.
“Bandjoun Station” est située sur les hauts plateaux de l’ouest du Cameroun, à 3 km de la ville de Bafoussam, à 300 km de Douala et Yaoundé. “Bandjoun Station” est d’abord un atelier de création où j’envisage de réunir des collègues artistes… Certains pourront loger en résidence de création/production, sur les lieux mêmes, à “Bandjoun Station House” et s’associer à la réalisation d’œuvres ‘in situ’ exceptionnelles et de pièces monumentales qui requièrent de vastes espaces de mise en œuvre et de façonnage.
Véritable aventure artistique, “Bandjoun Station” est bâti sur deux édifices distincts: le centre d’art de trois étages (25 m de hauteur) et l’atelier /studio de quatre étages (22 m de hauteur), soutenus par de solides piliers en béton armé. La structure est surmontée d’un pignon de 11 m de hauteur et couverte d’une charpente à double pyramide, qui respecte les règles séculaires de l’architecture traditionnelle locale avec ses toitures effilées… Pour prévenir les infiltrations pluviales, les murs sont couverts de mosaïques rehaussées d’emblèmes issus de mon univers graphique.
Une baie vitrée et miroitée bleu ciel abrite la façade, protègera les œuvres exposées de la luminosité en conférant une élégance légère, une modernité transparente au bâtiment.
Le premier édifice est divisé en cinq plateaux de 120 m² de superficie chacun: un sous-sol pour les rencontres et projections, un salon de lecture au rez-de-chaussée, les niveaux 1 et 2 pourront accueillir des expositions temporaires, le troisième niveau enfin, abritera une série d’œuvres issues de mes échanges avec tous mes amis artistes du monde entier, afin de déjouer les pièges du “ghetto d’art africain”. Une passerelle vitrée, au deuxième étage, facilite la circulation entre les deux bâtiments ; l’ensemble surplombe la verdure et la beauté de Bandjoun, comme un “bijou” d’architecture.
Le second édifice, s’élève au-dessus d’un rez-de-chaussée qui se distribue en trois chambres et une salle à manger, puis douze ateliers /studios répartis sur les premier et deuxième niveaux. Le troisième niveau est constitué d’une grande salle de travail commune et d’une spacieuse mezzanine qui double la surface de travail.
Pour dépasser -et transcender- cet ambitieux chantier artistique et culturel, j’ai en outre décidé de travailler en association avec la communauté locale un autre projet à la fois artistique et agricole. Ce volet d’intégration environnementale et d’expérimentation sociale se veut un exemple pour la jeunesse locale afin de créer des liens dynamiques et équitables entre le collectif d’artistes associés au projet et leurs hôtes et démontrer qu’il faut aussi croire aussi à l’agriculture pour atteindre notre autosuffisance alimentaire. C’est enfin un acte politique fort où notre collectif fécondera une pépinière caféière, un acte critique qui amplifie l’acte artistique et dénonce ce que Léopold Sédar Senghor appelait “la détérioration des termes de l’échange”, où les prix à l’export imposés par l’Occident pénalisent et appauvrissent durablement nos agriculteurs du Sud.
Barthélémy Toguo